STRATEGIE : LE TEMPS AUX ECHECS

 

A.Comment est-il possible de gagner ou de perdre un temps ?

 

Richard Réti a fourni les règles générales suivantes à ce sujet :

 

  1. Si l’on effectue un coup d’attaque qui n’implique pas de développement et que l’adversaire répond par un coup de défense qui soit en même temps un coup de développement, ce dernier a gagné un temps.

Un exemple élémentaire est donné si l’on place sur l’échiquier un Cavalier blanc en f3, un pion noir en f7 et un Cavalier noir en g8. Dans la séquence  1. Cfg5 –Ch6 les Blancs ont joué deux fois la même pièce (leur Cavalier déjà développé, alors que les Noirs ont défendu leur pion f7 avec un coup de développement Ch6

 

  1. Inversement, si l’on répond à un coup à la fois d’attaque et de développement par un coup de défense sans développement, on perd soi-même un temps, dans ce cas.

Ainsi, par exemple, dans la défense française variante d’échange, après le coup des Blancs Fg5, si les Noirs continuent par ç6, ils perdent un temps parce qu’il n’y a pas développement.

 

  1. On perd un temps à prendre une pièce que l’adversaire recapture avec un coup de développement.

Exemple, dans l’ouverture écossaise, 1 e4 – e5

 2 Cf3 – Cç6

  3 d4 – exd4

 4 Cxd4 – Cxd4, ce dernier coup représente une perte de temps puisque les Blancs récupèrent avec la Dame … 5 DxCd4 Il y a sur l’échiquier un pion blanc et la Dame blanche développés contre rien. Comme c’est aux Noirs de jouer, on peut dire que les Blancs ont gagné un temps.

 

  1. On perd également un temps lorsque l’on place une pièce sur une case où elle est susceptible d’être attaquée avec un coup de développement de l’adversaire.

Ainsi, dans certaines ouvertures, si les Noirsjouent leur Fou en ç5, les Blancs peuvent gagner un temps par la réponse …d4, obligeant le Fou noir à se repositionner.

 

  1. Mais il faut aller plus loin selon les hypermodernes comme Réti par rapport aux théories classiques de développement : dans la théorie classique, on perd un temps lorsqu’on développe une pièce de moins que l’adversaire. Dans la nouvelle, on perd un temps d’initiative quand on effectue un coup qui ne coopère pas à l’objectif que l’on s’est fixé, même si ce coup est par ailleurs un coup de développement !

Exemple :

 

 

 

XABCDEFGHY
8r+-+-+-mk(
7+-+-+-+p'
6-+-+-+p+&
5zp-+-+p+-%
4P+-+-zP-+$
3+-+-+-zP-#
2-+-+-+-zP"
1tR-+-+-+K!
xabcdefghy

 

 

Cette finale est à matériel égal. Ici, de chaque côté, il est possible de jouer le Roi ou la Tour. Cependant le choix nécessite une réflexion soignée. Si les Blancs jouent Rg2, ils perdent un temps d’initiative bien qu’ils gagnent un temps de développement ( car ce coup de développement ne sert en rien leur objectif qui doit être le pion bélier noir a5. [1.Rg2-Tb8 /2. Rf3-Tb4 et les Noirs ont l’initiative malgré le gain de développement des Blancs]

 En revanche, en jouant 1.Tb1 les Blancs gagnent l’initiative en vue de jouer ensuite Tb5 car les pions a4 et a5 étaient les seuls objectifs à rechercher dans la position.

 

B. La méthode classique du compte des temps proposée par Tarrasch.

 

 Puisque il est question de l’affrontement des classiques et des hypermodernes, on peut rappeler comment le joueur allemand Tarrasch, représentant de l’école classique, procédait pour le compte des temps.

Nous partirons du diagramme suivant pour visualiser sa méthode.

 

 

 

XABCDEFGHY
8r+-+-+rmk(
7+pzpqvl-zpp'
6-+lzpNzp-sn&
5zp-+-+P+-%
4-+Q+P+-vL$
3+-sN-+-+-#
2PzPP+-+PzP"
1+-+R+RmK-!
xabcdefghy

 

 

 Tarrasch dit : « Il ne faut compter que les coups servant au déploiement :

  1. Roque = 1 temps
  2. Déploiement de la Dame : si elle est placée sur la 1° traverse (ou la 8° pour les Noirs) = 0 temps, si elle est placée ailleurs =1 temps, quel que soit le nombre de coups qu’il a fallu jouer pour y arriver.
  3. Tour-Dame sur une colonne semi-ouverte = 1 temps (s’il y avait un pion blanc en d2 ou en d3, on considèrerait la Tour comme non-déployée, il faut qu’elle ait au moins quelque espace sur sa colonne.)
  4. Tour f1 = 1 temps
  5. Fou h4 = 1 temps [ en quelque endroit que se trouve le Fou, 1 temps, même s’il doit jouer plusieurs coups pour y parvenir.)
  6. Cavalier ç3 = 1 temps (Cavalier blanc sur les 2° ou 3° traverses = 1 temps ; sur les 4° ou 5° traverses = 2 temps ; sur les 6°et 7° traverses = 3 temps.)
  7. Cavalier e6  = 3 temps
  8. Les temps des pions du centre ne sont pas ici comptés parce que chaque camp a joué le même nombre de pions centraux.
  9. On ne compte pas le déploiement f2-f4-f5

 

 Au compte des Noirs :

  1. Roque = 1 temps
  2. Dame = 1 temps
  3. Fous = 2 temps
  4. Cavalier = 1 temps
  5. La Tour g8 a joué mais n’est pas déployée = 0 temps

 

ð Les Blancs ont 9 temps contre 5. »

 

C. La loi de la conservation selon Tarrasch.

 

 Nous partirons du diagramme suivant pour l’exposer :

 

 

 

XABCDEFGHY
8r+lwqkvlntr(
7zpp+-+pzpp'
6-+n+p+-+&
5+-zpp+-+-%
4-+PzP-+-+$
3+-+LzP-+-#
2PzP-+-zPPzP"
1tRNvLQmK-sNR!
xabcdefghy

 

 

Dans ce diagramme, les temps sont égaux. En jouant 1. Dç2, les Blancs font gagner un temps aux Noirs par 1…Cb4 qui force le repli de la Dame. Après 2.De2, les Blancs n’ont toujours que deux temps pour leurs figures ; les Noirs en ont deux aussi, mais comme ils ont le trait, ils peuvent en déployer une 3° et distancer les Blancs d’un temps. S’ils jouaient 2… Cb4xd3 ?, ils perdraient cet avantage, ou le sacrifieraient, car des deux pièces qui disparaîtraient, l’une compterait un temps, l’autre deux, de sorte qu’après 3.De2xd3 – Cf6, le nombre des temps se trouve égal. Cependant, les Noirs, en échangeant leur Cavalier contre le Fou qui est plus fort, ont acquis un léger avantage matériel ou tout au moins dynamique => l’avantage acquis s’est transformé en force (temps=force)

 Le temps joue un rôle très important : si l’on joue bien, les temps gagnés ne peuvent plus être perdus et se traduisent finalement par des gains d’espace ou de force. C’est la loi de la conservation (Temps=Force).

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