LA SICILIENNE AU COUP PAR COUP (3)

 

   Nous avons entamé depuis quelques jours (voir archives) l’étude de la défense sicilienne en synthétisant les commentaires des champions sur chacun de ses coups constitutifs. Voici la suite de cet exposé. Je rappelle rapidement quels avaient été jusqu’ici les coups analysés : 1. e4 ; ç5 / 2. Cf3 ; d6 / 3. d4 ; çxd4 / 4. Cxd4 ; Cf6 / 5. Cç3 ; a6

 

  6° coup des Blancs : Fg5 :

 

   Ce coup est le plus actif contre la défense Najdorf, pour plusieurs raisons :

 

a)      Il ne permet pas aux Noirs de jouer  6 … e5 car le clouage du Cavalier f6 permettrait  aux blancs d’envahir la case d5.

b)      Il interdit également la transposition pour les Noirs dans la variante du Dragon (…g6 et …Fg7), car Fxf6 détruirait la structure de pions noirs.

c)      La menace Fxf6 suivi de Fç4 et Dh5 oblige les Noirs à jouer immédiatement …e6 ou …Cbd7, ce qui simplifie le plan des Blancs.

d)      Une fois que le centre des Noirs est ainsi défini, les Blancs ont un schéma central agressif avec f4 suivi de 0-0-0, qui force le Roi noir à rester au centre ou à effectuer le grand roque, ce qui donne une grande continuité à la pression sur les colonnes centrales.

e)      Le placement des Tours en e1 et d1 en conjonction avec les possibilités de sacrifices par Cd5 ou Cf5 rendent la plus exacte des défenses très laborieuse et demande un calcul complet et très fatigant de toutes les variantes, selon Najdorf.

 

   Ce coup 6.Fg5 se nomme l’attaque Kéres de la variante Najdorf.

 

   D’autres analyses de maîtres rejoignent ce qui vient d’être présenté sur ce coup de Fou : les voici.

 

      Après 6. Fg5, 6…e5 serait à présent douteux car le clouage préréalisé du Cf6 permettrait aux Blancs de s’emparer commodément de la case d5.

 

     Ce clouage par Fg5 rend périlleuse la pussée  …e5 (elle accentuerait la faiblesse en d5 et la diagonale ç4-f7. Les Noirs doivent abandonner le système Najdorf pour une autre construction, par exemple 6…e6.

 

    Après 6.Fg5, les Blancs menacent d’échanger en f6, affaiblissant la structure de pions noirs à l’aile-Roi et rendant aux Noirs le roque difficile. La riposte noire est habituellement 6…e6, contrôlant d5 et évitant les pions doublés si les Blancs devaient jouer FxCf6. Les Noirs continuent par …Fe7, …Cbd7, …0-0 et …b5 puis ils poursuivent éventuellement leur attaque à l’aile-Dame au moyen de b4, si possible après …Tb8.

 

    6.Fg5 est le coup le plus agressif qui, en faisant indirectement pression sur la case d5, dissuade les Noirs de pousser …e5. (Sur 6. Fe2 ou 6.Fe3 ou 6. g3 ou 6.b3 ou 6.a4 ou 6. f4, les Noirs en revanche peuvent répliquer par …e5, le contrôle de la case b5 se révélant utile pour empêcher Fb5+)

 

   En plus des coups  cités dans la parenthèse précédente, les Blancs ont aussi à leur disposition 6. Fç4 [Les Blancs ont alors l’intention de jouer sur les cases blanches. Le revers de la médaille de ce système se trouve dans la position exposée du Fou et dans l’excessive rigidité du plan (attaque de f7)], 6.h3, 6.a4.

 

   Avec le coup 6.Fg5, les Blancs résolvent trois problèmes :

-         Ils empêchent e5.

-         Ils complètent leur développement dans le temps le plus court possible.

-         Ils échappent aux complications.

Dans cette variante, les Noirs feront l’expérience de difficultés, bien qu’ils aient réellement de solides ressources défensives, en particulier par l’intermédiaire de contre-jeu à l’aile-Dame, même au prix du développement, et dans le développement des deux flancs et , conséquemment, dans la possibilité de roquer de l’un ou l’autre côté.

 

   6° coup des Noirs : e6 :

 

   Avec cette avancée, le Cavalier f6 est cloué. Ce clouage est appelé à jouer un grand rôle, même si les Noirs le déclouent très naturellement et facilement par Fe7 et le sécurisent encore plus par Cbd7.

 

   Après 6.Fe2, 6.f4, 6.g3, l’idée de Najdorf, 6…e5 a fait ses preuves ; en revanche, elle n’est plus à conseiller après 6. Fç4 ou 6.Fg5.

 

   Le coup …e6 associé à …d6 donne la formation du « petit centre » noir. Le duo de pions noirs attaque 4 cases importantes : ç5, d5, e5 et f5. La case ç5 est la moins cruciale des quatre, bien que le Cavalier-dame noir y parvienne occasionnellement via d7, et il est toujours utile que ce Cavalier soit soutenu par un pion. La case d5 est probablement la case la plus importante de tout l’échiquier dans la défense sicilienne. Le pion e6 remplit la double fonction de défendre d5 contre l’invasion d’une figure blanche et de soutenir éventuellement la poussée d6-d5. La case e5 est aussi une case qui doit être gardée avec soin, parce que si le pion blanc e4 peut avancer impunément en e5, il jette souvent la perturbation dans les plans défensifs noirs. Enfin, f5 doit être défendue contre l’avance du pion f blanc ainsi que contre l’invasion du Cavalier blanc se trouvant en d4. Les pions noirs e6 et d6 peuvent être vus ainsi dans des fonctions défensives, bien que plus tard dans la partie, si les Blancs ont manqué leur attaque à l’aile-Roi, il ne soit pas rare de voir l’un ou l’autre de ces pions agir d’une manière plus agressive.

 

   Il est à remarquer qu’à la place de 6…e6, Tigran Petrossian jouait parfois 6…Cbd7, coup resté marginal à cause du développement actif des Blancs par 7.Fç4.

 

   7° coup des Blancs : f4 :

 

   Le coup naturel. Les Blancs constituent leur seul duo de pions central possible après avoir sorti leur Fou-Dame « extra muros ». Sinon, les Blancs ont essayé des coups moins naturels : 7. Dd3 ou 7. Df3 ou 7. De2 dont seul le dernier présente peut-être quelque intérêt. Ils vont alors faire le grand roque avec une pression sur la colonne « d » et la possibilité de réaliser la percée e4-e5.

 

  7° coup des Noirs : Fe7 :

 

   Le Cavalier est dès lors décloué, mais la pression exercée par le Fg5 demeure.

 

   On peut jouer aussi 7…b5 (variante Polougaievski) suivi de 8. e5 ; dxe5 / 9. fxe5 ; Dç7 ou bien 7 … Db6 (variante du pion empoisonné).

 

   Ce 7° coup noir constitue un carrefour important. Les Noirs peuvent en effet opter pour les complications de la variante du pion empoisonné avec 7…Db6 ; 8. De2 (8. Cb3 est moins ambitieux), Dxb2. Malgré l’entorse aux règles du développement, cette « gourmandise » n’a jamais été réfutée et les joueurs comme Portisch ou Fischer, qui possédaient une grande confiance dans leurs talents défensifs, pouvaient miser sur les chances noires. D’autre part, le GMI Polougaievski a mis au point la contre-attaque 7…b5. A priori, les Noirs semblent perdre une pièce, mais après 8.e5 ; dxe5 / 9. fxe5, ils ont la ressource 9…Dç7 qui lance une contre-attaque sur le Fou (10 exf6 ; De5+ !) Le coup 7 … Fe7 amène des combats non moins violents, cependant.

 

   8° coup des Blancs : Df3 :

 

   La meilleure case pour la Dame : elle se place en embuscade sur la grande diagonale blanche et dégage la première rangée pour permettre le grand roque. 8.De2 est intéressant aussi, avec la poussée imminente e4-e5.

 

   Avec le coup 8. Df3, les Blancs vont effectuer le grand roque rapidement. D’autre part, de la case f3, la Dame blanche rend plus difficile la poussée b5 pour les Noirs.

 

   8° coup des Noirs : Dç7 :

 

   La case la plus naturelle pour la Dame noire dans la sicilienne :

a)      Elle est à l’abri grâce au coup …a6 qui interdit aux Blancs la case b5 et à …e6 qui fait de même avec la case d5.

b)      Elle exerce une pression sur la colonne « ç » semi-ouverte.

c)      Au-delà du pion d6, elle contrôle aussi la case clé e5, ce qui est essentiel dans la sicilienne.

 

   8.Dç7, afin d’empêcher les Blancs de jouer Fç4 avec des menaces de sacrifice en e6. Il est important que les Blancs ne puissent développer leur Fou en ç4, par exemple s’il intervenait 8…Cbd7/ 9. Fç4 ! ; h6 / 10. Fxf6 ; Fxf6 / 11. 0-0-0 ; Db6 / 12. Cxe6 ; fxe6 / 13. Fxe6 ; Cg8 / 14. Fb3 ; Fe6 / 15 e5 ; dxe5 / 16 The1, les Blancs auraient une compensation plus que suffisante pour la figure.

 

   Une tentative risquée appelée « variante de Göteborg » continue ainsi : 8…h6 / 9.Fh4 ; g5 / 10 fxg5 ; Cfd7 / Les deux réponses  11. Cxe6 et 11. Dh5, censées donner l’avantage aux Blancs ont milité contre son emploi.

 

   (à suivre)

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