ECHECS ET LITTERATURE (3)

 

ROUSSEAU « Les Confessions » (2)

 

  Rousseau, on l’a vu, avait abusé des livres d’ouvertures lors de ses débuts échiquéens. Néanmoins, il en avait retiré quelque profit et deux parties racontées ici le prouvent !

 

  (…) Je reçus le plus grand honneur que les lettres m’aient attiré, et auquel j’ai été le plus sensible, dans la visite que M. le prince de Conti daigna me faire par deux fois, l’une au petit Château, et l’autre à Mont-Louis. Il choisit même toutes les deux fois le temps que Mme de Luxembourg n’était pas à Montmorency, afin de rendre plus manifeste qu’il n’y venait que pour moi. Je n’ai jamais douté que je ne dusse les premières bontés de ce prince à Mme de Luxembourg et à Mme de Boufflers ; mais je ne doute pas non plus que je ne doive  à ses propres sentiments et à moi-même celles dont il n’a cessé de m’honorer depuis lors.

   Comme mon appartement de Mont-Louis était très petit, et que la situation du Donjon était charmante, j’y conduisis le prince qui, pour comble de grâces, voulut que j’eusse l’honneur de faire sa partie aux échecs. Je savais qu’il gagnait le chevalier de Lorenzi, qui était plus fort que moi. Cependant, malgré les signes et les grimaces du chevalier et des assistants, que je ne fis pas semblant de voir, je gagnai les deux parties que nous jouâmes. En finissant, je lui dis d’un ton respectueux, mais grave : Monseigneur, j’honore trop Votre Altesse Sérénissime, pour ne la pas gagner toujours aux échecs. Ce grand prince, plein d’esprit et de lumières, et si digne de n’être pas adulé, sentit en effet, du moins je le pense, qu’il n’y avait là que moi qui le traitasse en homme, et j’ai tout lieu de croire qu’il m’en a vraiment su bon gré.

 

[ J’ai eu entre les mains, il y a quelques années, l’une de ces deux parties de Jean-Jacques Rousseau. Peut-être un internaute a-t-il cette partie à produire ? Merci d’avance !]

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