PIEGE DANS LA SICILIENNE NAJDORF

 

LES JUMELLES DE GÖTEBORG

 

  Dans un livre aujourd’hui introuvable, François Le Lionnais racontait une étrange situation survenue à l’occasion du tournoi international de Göteborg, en Suède, qui devait désigner le challenger du championnat du monde au vainqueur du match revanche Botvinnik-Smyslov. Dans cette compétition à 21 joueurs figuraient six Soviétiques et quatre Argentins. Ces derniers étaient accompagnés d’un fort entraîneur, Julio Bolbochan, qui avait préparé pour cette circonstance un piège dans la variante Najdorf de la Sicilienne.

 

   Or, à la 14° ronde du tournoi, le hasard voulut que quatre Soviétiques, Geller, Kerès, Spassky et Pétrossian se trouvent confrontés aux quatre Argentins : Panno, Najdorf, Pilnik et Guimard.

 

   Les Russes commencèrent tous par e4 et les Argentins répondirent tous  ç5. Les mêmes dix premiers coups furent joués dans les trois premières parties, ce qui donna :

 

1.      e4 _ ç5

2.      Cf3 _ d6

3.      d4 _ ç5xd4

4.      Cxd4 _ Cf6

5.      Cç3 _ a6

6.      Fg5 _ e6

7.      f4 _ Fe7

8.       Df3 _ h6

9.      Fh4 _ g5

10.  f4xg5 _ Cf6d7

 

  Les parties continuèrent comme suit :

 

11.  Cxe6 Ce sacrifice du Cavalier était classique dans cette variante et les Argentins s’y étaient préparés, persuadés même que ce coup était incorrect et leur permettaient de gagner.

  La suite fut partout celle que Bolbochian leur avait conseillée :

 

         _  11. f7xCe6

12.  Dh5+ _ Rf8

13.  Fb5 !

 

   Dans cette position, Panno choisit contre Geller de jouer : _ 13. Ce5 [ après la partie, on démontra que  _ 13 Th7 aurait été meilleur, sans pour autant sauver les Noirs !]

 

  Et Geller, après réflexion, joua 14. Fg3 !! Les Argentins, dans leur préparation, n’avaient prévu que le coup 14. 0-0+ après quoi la partie noire aurait été bonne par   _ 14. Rg7 .

 

  La partie perdue pour Panno se poursuivit par :

 

14.  _ Fxg5 (ouvre une seconde fuite en e7, mais c’est trop tard.)

15.  0-0+ _ Re7

16.  FxCe5 _ Db6+

17.  Rh1 _ d6xFe5 (Supprime le F qui menaçait la Th8, mais ouvre la colonne « d », ce qui sera payé très cher.)

18.  Df7 _ Rd6 (Si 18 _ Rd8 ; 19. Td1+ _ C ou Fd7 ; 20. TxC ou Fd7+ suivi du mat !)

19.  Td1+ _ Dd4

20.  20 TxDd4+ _ e5xTd4

21.  e5+ _ Rç5

22.  Dç7+ _ Cç6

23.  FxCç6 _ les Noirs (Panno) abandonnent.

 

  Sur les deux autres échiquiers, les mêmes coups furent effectués du 13° au 22°, de la manière suivante :

 

  13 _ Rg7

  14. 0-0 _ Ce5

  15. Fg3 _ Cg6

  16. g5xh6 _Txh6

  17. Tf7+ _ RxTf7

  18. DxTh6 _ a6xFb5

  19. Tf1+ _ Re8

  20. DxCg6+ _ Rd7

  21. Tf7 _ Cç6

  22. Cd5 ! _ Txa2

 

  La bifurcation arriva au 23° coup blanc : Spassky  choisit le meilleur coup 23. h3 ! et Kerès le coup 23. h4 Les deux Argentins abandonnèrent à quelques coups d’intervalle et ces trois parties furent appelées « Les jumelles de Göteborg ». Elles donnèrent lieu à de multiples analyses. Le tort de Bolbochan avait été de garantir verbalement que son analyse était gagnante sans en donner une variante par écrit qui aurait peut-être permis d’en découvrir les failles.

 

Répondre à cet article